Avant la révolution, l’élevage des pigeons était traditionnellement réservé à la noblesse et aux abbayes. Posséder un colombier à pied, tel que celui de la Faucille, c’est-à-dire une construction séparée du corps de logis ayant des boulins de haut en bas, était un symbole de prestige et de richesse économique.
L’élevage de pigeons servait pour la consommation des habitants : leur viande était très appréciée et leurs œufs également. Leur fiente, appelée « colombine » était également un excellent engrais fertilisant (on disait que 5kg de colombine équivalait à 100kg de fumier de bovins, sachant qu’un pigeon pouvait produire 2 à 3 kg de colombine par an).
Le droit de colombier a été aboli en 1789. Après cette date l’usage des pigeonniers est peu à peu tombé en désuétude. De ce fait, beaucoup sont abandonnés et en ruine, ou ont été démolis.
Le pigeonnier de la Faucille se loge probablement dans une tour de l’ancienne ligne de défense du site médiéval établi dans une boucle de l’Oudon, occupant son point le plus haut, ce qui est habituel pour ce type d’ouvrage.
Une datation par dendrochronologie des éléments de l’ancienne enrayure a révélé de manière précise l’utilisation de 2 chênes distincts pour la confection des enrayures, dont les dates d’abattage ont pu être déterminées de manière précise en 1537 et 1538. C’est donc dans la première moitié du XVIème siècle, il y a près de cinq siècles, que la tour, défensive à l’origine, a été transformée en pigeonnier.
Bâtie sur le rocher, la fuye est composée d’une maçonnerie de schiste enduite que surplombe une haute toiture marquée par un épi armorié.
Il comporte environ 500 boulins, et pouvait donc abriter une population de 1000 pigeons (un boulin = un couple de pigeon).
En 2008-2009, la charpente et la toiture ont été refaites à l’identique. Le démontage de l’ancienne charpente a révélé la présence de plusieurs éléments caractéristiques d’un pigeonnier, notamment celle d’un mât central vertical de 10 m de haut qui servait d’axe de rotation à des potences horizontales sur lesquelles se fixait une échelle dite « tournante ». Celle-ci permettait d’accéder à tous les niveaux de boulins. Durant cette phase de restauration, elle a pu être remontée telle qu’elle existait à l’origine.
Anecdote : origine de l’expression « se faire pigeonner »
En cas de vente d’un ou plusieurs arpents du domaine, le propriétaire devait boucher autant de boulins qu’il avait vendu d’arpents de terre, afin qu’il y ait toujours concordance entre le nombre de boulins et la surface du domaine. Cette réglementation n’était pas toujours respectée. Lorsqu’un prétendant désirait se rendre compte de la consistance de la dot de sa future épouse, il demandait à visiter le pigeonnier de son futur beau-père.
S’il constatait que des boulins étaient bouchés, il pouvait s’inquiéter pour la dot de sa future épouse.
S’il constatait qu’aucun boulin n’était bouché, cela pouvait réellement correspondre à un domaine intact et donc à la dot promise.
Mais cela pouvait aussi être la ruse d’un propriétaire désirant marier sa fille plus rapidement en omettant de boucher les boulins correspondant aux arpents de terre vendus, en faisant croire au prétendant de sa fille que la dot était intacte.
On disait alors qu’il avait “pigeonné” sont futur gendre !